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Les arbres
1 février 2009

Il m'a dit,

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Tu es là, tu me regardes mais sais-tu que nous sommes deux...Attends, je vais te raconter.

Il y avait l'ancien mais lui n'est plus de ce monde depuis bien longtemps. Il vécut à quelques dizaines de mètres derrière nous sur la partie haute de la prairie. Un jour d'automne, aidé par le vent, il comprit qu'il était l'heure et m'abandonna moi, fruit de cet arbre, aux aléas de la vie. Après une chute dans le vide, en un éclair, j'avais changé de monde. Combien de temps s'écoula? Le temps existe-t-il?

Je me souviens vaguement, alors que je sentais quelques transformations profondes s'opérer en moi, un gros orage se déclara et je fus happé et entraîné par cette rivière d'un instant. Le ciel grondait de tous côtés et je m'éloignais de plus en plus de mon géniteur. Une certaine peur s'empara de moi, celle de l'éloignement et l'angoisse de la séparation. Le vent agitait ses branches en tout sens; me disait-il adieu?

J'ai fermé les yeux; combien de temps? Je n'en sais rien. Bien malgré moi, mon avenir fut confié à cette eau venue du ciel; j'ai encaissé quelques coups et le voyage me parut interminable.

Le calme réinstallé, j'ai ouvert les yeux et je me souviens un oiseau noir chantait. Il s'était posé sur la plus haute branche de l'ancien. Dans le fond, mon voyage éperdu ne fut pas si long que cela. Ma course folle s'arrêta contre une branchette qui me barrait la route et elle-même était retenue par quelques pierres. Je me situais alors dans le contre-bas de la prairie pas tellement loin de lui finalement. Un coléoptère m'a retourné au passage et j'eu cette chance inouïe de perdre ce sentiment de solitude car un de mes semblable avait suivi le même chemin que moi. Nous étions donc là tous les deux blottis entre terre et bois.

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Il faisait chaud, la terre fumait.

Le temps s'écoula... Nous avons décidé que cet endroit nous convenait afin de nous y installer pour la vie. Nous avons grandi côte à côte. Nous étions tellement proches que nos racines se sont entremêlées et nos troncs se sont soudés. Maintenant nous vivons de beaux jours en compagnie d'une rangée de charmes qui nous protège des vents d'ouest. Une petite rivière souterraine  carresse nos racines et nous alimente en eau. Quand l'orage gronde, nous sommes l'abri des bovins.

Ah oui, j'allais oublier!

Un jour ils ont débarqué avec tout leur attirail, tracteur, remorque, tronçonneuses...Ils ont abattu l'ancien; ils en ont fait des morceaux ; de lui ne subsistent que ses racines que notre bonne vielle terre a gardé en son sein. Par la suite ils se sont dirigés vers nous et nous ont oté quelques membres. Ils ont tout emporté et nous ont laissés face à nos blessures. Nous avons beaucoup souffert et avons gardé bien des séquelles. Pourquoi nous ont-ils épargnés? Nous avons gardé des blessures béantes qui tant bien que mal s'effacent avec le temps mais j'ai bien peur qu'un jour la maladie ne s'installe dans nos entrailles.

Cette année, il s'est passé quelque chose d'étrange. Une personne est entrée dans la prairie et a brisé notre monotonie hivernale. Elle s'est approchée de nous et nous a photographiés. Aujourd'hui, c'est toi qui nous rend visite et tu nous a aussi immortalisés. Par contre toi, tu n'as pas daigné franchir la clôture; je crois que la présence des bovins en est la cause.

Pourquoi vous deux cette année?... Peu importe...

Nous t'avons confié notre histoire; désormais, va la raconter à notre premier visiteur et quand vous passez par ici, faites nous signe de la main ou regardez simplement dans notre direction et nous comprendrons...

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